CHAUD DEVANT!

 

Chaud Devant !


Un rayon de soleil, violent, chaud, est venu me frapper en plein visage... Six heure trente au radio réveil...La journée s'annonçait belle...Je le sens et ne me trompe jamais. Il faisait déjà trop  chaud. Le drap collait à ma peau nue. Il faut que je me lève, pensais je. Le matelas était posé à même le sol, sur une moquette qui aurait eu grand besoin de faire un jour connaissance avec un aspirateur. Les murs étaient blancs. Pas de poster, ni de tableau. Une rigueur presque monacale. Je repoussais ce fichu drap. Prés de moi, me tournant le dos, en position du foëtus, nue, Odile dormait. Son souffle était à peine perceptible et elle serrait contre elle un morceau du drap. Je me penchais sur elle et la regardais... "Mon dieu quelle nuit nous avons passée!" De toute façon chaque fois que je venais la voir ça se terminait ainsi, dans ses draps! "ça y'est c'est décidé je me lève!". D'un bond je fus sur pieds et m'étirais comme un félin. "Il faudrait que je fasse attention à moi tout de même" me dis je en contemplant mon estomac naissant, "enfin nous sommes samedi et c'est décidé, à partir de lundi fini la bière, fini les frites, à moi les légumes frais et l'eau minérale! Non mais à trente ans il n'est pas encore trop tard pour se reprendre. Et puis il faudra vraiment que je me décide à passer au gymnase club pour m'inscrire"...

Le studio d'Odile était grand, spacieux, presque sans aucun mobilier, si ce n'est une table très basse, des coussins et des rayonnages croulants sous les bouquins. Autour du matelas nos vêtements étaient éparpillés, à même le sol. J'enfilais un slip (Odile n'aimait pas que je me promène nu) et me dirigeais vers le coin cuisine. Là, sur une petite table les reliefs de notre dîner commençaient à se réchauffer car le soleil au travers du vélux, venait donner en plein dessus. "Je ferais la vaisselle plus tard, d'abord le café." me dis-je.

Une bonne odeur de pur arabica se répandit bientôt dans le studio, et, une tasse dans chaque main je revins prés du matelas. Odile n'avait pas bougé. Je posais prés d'elle la tasse, sur "Big Sur" de Jack Kerouac, en folio, et la regardais. De taille moyenne, brune, très mince, avec de petits seins, elle n'était pas spécialement mon type de femme, mais il émanait d'elle un charme, une présence irrésistible. Ma main glissa le long de sa hanche, caressa le contour de sa fesse, descendit le long de sa cuisse... Elle soupira, se retourna sur le dos, et me tendit les bras sans ouvrir les yeux... Je posais ma tasse à côté de la sienne et m'allongeais prés d'elle.

J'étais dans un tel état que je ne tardais pas à me débarrasser de mon slip (ces cochonneries d'élastiques ne sont pas aussi élastiques que ça...), l'embrassais avec fougue, puis descendis vers ses seins. Ils étaient durs, dressés. Je suçais un instant leurs aréoles, puis descendis toujours. Je promenais ma langue autour de son nombril, puis ma bouche atteint enfin sa toison, son sexe. Elle s'ouvrit comme une fleur sous le soleil torride d'un été oublié. Elle maintint un instant ma tête contre elle, son souffle s'accélérait, plus fort, plus fort. Je sentais son bas ventre venir à la rencontre de ma langue. Puis soudain elle me repoussa:

"Attends" me dit elle. Elle me demanda de m'allonger, puis, me chevauchant, elle s'assit presque sur mon visage, pris mon sexe tendu dans sa bouche, tandis qu'avec la langue je continuais la tenant fermement par les hanches. Sa bouche allait et venait tout autour de l’extrémité de mon sexe, je n'en pouvais plus. De temps à autre elle l’introduisait tout au fond de sa gorge puis reprenait ses caresses. J'avais l'impression que le temps s'était arrêté. Son sexe était miel, le mien de bois, je ne le sentais plus. Soudain elle se mit à gémir d'une voix rauque, en crescendo. J'accélérais le mouvement de ma langue. Elle se cambra comme sous l'effet de décharges électriques. Nous roulâmes sur le côté, elle reprit mon sexe dans sa bouche et je m'abandonnais.

Il faisait de plus en plus chaud. J'ouvris les yeux. Bon sang, huit heure et demi! Odile n'était plus à côté de moi mais j'entendis le bruit de l'eau coulant dans la salle de bains. Le café était froid dans le fond de ma tasse. A côté de Kerouac, "Le Monde" et quelques B.D. J'optais pour "Poupon la peste" de Binet. Jack a du me pardonner, quant aux nouvelles du jour... Odile sortit de la salle de bains, vêtue d'un peignoir blanc dont elle n'avait pas noué la ceinture et les pans écartés me laissaient entrevoir son corps bronzé, ses seins aux pointes dressées, sa toison noire, mystérieuse... Elle séchait ses cheveux avec une serviette de toilette vert pomme.

-"Halala, je vais encore être en retard"

-"Ne t'affoles pas tu as encore du temps"

-"Oui mais quand même, à faire des folies"

Elle se pencha vers moi et déposa un baiser sur mes lèvres, lâchant alors "Poupon la peste" je caressais ses deux seins qui, profitant de l'aubaine, durcirent.

-"Stop monsieur... Voyons... It's time to go!"

Elle se redressa et couru s'enfermer dans la salle de bains. Je restais rêveur. Elle en ressortit quelques instants plus tard , vêtue d'un jean et d'un sweat bleu pâle.

-"Eh bien, avec ce look Birkin, tu vas  affoler tes potaches"

-"Bâ maintenant il leur en faut plus, Madonna, Samantha Fox... Je n'ai aucune chance"

Elle enfila ses baskets, des bleus et blanches, montantes avec des lacets aux couleurs rasta.

-"Eh oui , il n'y a plus d'enfants!"

Elle revint vers moi, m'embrassa, ramassa son sac à main, sa sacoche et se dirigea vers la porte.

-"Je te laisse les clés, on se retrouve au "Véga" à 12h30?"

-"Ok" lui répondis je.

La porte claqua, j'entendis ses pas dans le couloir, la porte de l'escalier s'ouvrir en grinçant, se refermer. Et le silence.

"Un vrai ouragan cette nana" pensais je.

Je me levais et allais prendre une douche froide. Au passage je glissais une cassette dans le lecteur et la voix de Tom Waits s'éleva dans la chaleur du matin...

"Heart Attack and Wine". Tout un programe.

La chaleur étouffante de cette matinée me sauta au visage lorsque je sortis dans la rue. Le soleil m'aveugla, je fermais les yeux et titubais un instant sur le trottoir, ce qui fit sourire le pizzaiolo du "Vésuve" qui rentrait ses poubelles. Le "Vésuve" était une de ces "self pizza" où Odile et moi dînions de temps à autre avant une séance de cinéma ou de nous glisser dans la fraîcheur de ses draps, Springsteen, Waits ou les Pogues en fond sonore. Les poubelles rebondissaient sur le rebord du trottoir, le rital les malmenait, mais je crois que de toute façon il s'en foutait. 10h30, encore deux heures. J'avais le temps de passer chez moi nourrir  mon chat et prendre le courrier, ou bien aller jusqu'au "Furet du Nord" voir s'il n'y avait rien de nouveau du côté de chez Djian ou bien de Bukowski. Finalement je choisi la première hypothèse, il faut avoir du cœur de temps à autre, et puis peut être aurais-je une carte postale, une lettre d'une quelconque admiratrice voire même un chèque... On peut toujours rêver... Je traversais la place de la Déesse (rebaptisée Charles de Gaulle en l'honneur un illustre enfant du pays, mais j'ai toujours préféré l'ancienne appellation moi), et après avoir une nouvelle fois hésité entre la gente animale et les nouveautés littéraires je me dirigeais vers mon petit studio, situé à quelques rues de là. 

Ce n'était pas à proprement parler un studio, plutôt une sorte de chambre de bonnes, sous les toits, en mansarde. Environ 9m2 avec un lit pliant, un frigo, une plaque chauffante, un évier en inox au robinet qui goûtait et une vieille table bancale. Les toilettes et la douche se trouvaient sur le palier, à partager avec le locataire de la chambre voisine. Un bien brave gars d'environ vingt deux ans, qui travaillait au nettoyage d'une grande surface. Il commençait tôt le matin et, lorsque je dormais chez moi, je l'entendais parfois partir "très discrètement"vers quatre heure trente. J'avais trouvé ce logement par hasard, quelques mois plus tôt lorsque de retour de Marseille où j'avais séjourné chez mon frère, quelques mois après ma séparation d'avec Anne et une tentative heureusement avortée à temps, de travailler comme photographe indépendant. Je logeais alors temporairement chez Anne, avec qui toutefois j'avais gardé de bons rapports, et ne savais pas trop dans quelle direction orienter ma nouvelle vie de célibataire. Un matin, j'avais eu l'heureuse surprise de trouver au courrier une somme rondelette, de la part des Assedic, versée sur mon compte en banque. Alors, m'étais je dit, maintenant que tu es temporairement à l'abri financièrement, pourquoi ne pas en profiter pour prendre du recul, en faisant relativement attention dans quelques mois tu y verras plus clair...Bien sur ce n'était pas un palace mais pour quelqu'un de seul et pas trop regardant... Je m'étais installé en ces murs par un matin pluvieux de mars. J'étais arrivé vers 9h du matin avec un sac de voyage et mon saxophone. Le propriétaire, qui habitait au premier étage, m'avait remis les clés et donné quelques informations quant à l'utilisation de la douche. Au fil des jours j'avais rapporté de la cave de l'appartement de mon ex quelques ustensiles de cuisine, et surtout des livres. Plus tard elle m'avait confié Isis, une petite chatte noire et blanche que nous avions adopté en juillet 1981. Cet animal avait tout de suite pris possession de son nouveau domaine. En arrivant ce matin là je ne la trouvais pas, mais la fenêtre étant ouverte...Elle reviendra, elle revenait toujours. Je remplis sa gamelle de croquettes, me servis un grand verre de jus de pomme et m'allongeais sur le lit, après avoir branché la radio: "Hello it's Radio Caroline!".

 Je jetais un coup d’œil à ma montre et décidais d'aller faire un tour chez Nadia. Au passage je prendrais quelques victuailles et peut être pourrions nous passer une soirée agréable, sur la terrasse, tiens pourquoi pas des brochettes, avec un bon Sidi Brahim... Après m'être arrêté chez "l'arabe" et fais quelques emplettes (finalement j'optais pour le Boulaouanne) je me dirigeais vers le groupe d'immeubles, style H.L.M. mais de qualité "supérieure" où habitait mon amie  et son jeune fils Jonathan. J'avais connu Nadia l'année précédente lorsque je suivais des cours en fac de lettre afin de décrocher l'équivalent du baccalauréat. Je ne l'obtins pas mais me fis une amie. C'est déjà ça non? Nous nous étions ensuite perdus de vue pendant quelques mois, mais elle fût une des premières personnes à qui je rendis visite à mon retour de Marseille. Elle était divorcée et vivait seule dans un petit deux pièces avec son fils âgé de trois ans. Mince, blonde elle ressemblait à ce mannequin ayant eu son heure de gloire dans les années soixante, Viva. J'arrivais au pied de son immeuble, devant lequel une vieille bagnole finissait de subir les derniers outrages de la part d'une bande de kids (blacks et beurs). Je passais à côté d'eux et en vis un en train de lacérer consciencieusement la banquette arrière avec son cran d'arrêt. Dans le hall de l'immeuble les portes vitrées n'étaient plus tellement vitrées et les boites aux lettres béantes, portes arrachées ou tordues. Je regardais néanmoins celle de Nadia, elle était vide... Les murs étaient sales, couverts de graffitis et, me souvenant que l'ascenseur sentait la pisse de milles chats je préférais monter à pied. Il n'y avait plus de minuterie, je montais dans le noir. Au deuxième, sur le palier, deux kids d'environ douze ans sniffaient du trichlo. Je passais devant eux, ils ne m’accordèrent même pas un regard... Je sonnais chez Nadia puis, me souvenant que la sonnette ne fonctionnait plus, tapais à la porte.

De l'autre côté j'entendis du bruit (bon signe!), des pas, et la porte s'ouvrit.

- Tiens salut l'artiste me dit elle.

- Hello ma muse ça baigne? lui répondis-je en l'embrassant sur les joues. On dirait que toi aussi tu as chaud.

Elle avait l'air de n'être vêtue que d'un léger peignoir.

- C'est affreux, c'est ma deuxième douche de l’après midi.

- Tu bossais ce matin?

- Ouais, jusqu'à treize heure. Mais allez entre, ne reste pas sur la palier.

J'entrais et lui collais mon sac à provisions dans les bras.

- Voila de quoi nous occuper un moment, tu verras, il y a de tout et même plus. Il est là ton homme?

- Non, il est chez sa grand mère pour la semaine. Installes toi, j'arrive, je termine dans la salle de bains.

Je tournais un instant dans la salon. Peu de décoration, une vieille télé dans un angle avec à côté une antique chaine HiFi et un matelas en guise de canapé recouvert d'un tissu indien. Aux murs peu de choses, une ou deux lithographies encadrées, quelques cartes postales... Il faisait un peu frais car les stores étaient à demi baissés. Je m'assis.

- Sers nous à boire me cria t'elle, il y a du coca, des jus de fruits au frigo, tu choisis. Tu es seul en ce moment?

- Non, enfin presque, mais ce soir oui.

J'allais à la cuisine et revins avec deux verres pleins de jus d'orange et glaçons. La porte de la salle de bains était ouverte et je regardais Nadia tout en lui tendant son verre. Elle avait retiré son peignoir et était juste vêtue d'une petite culotte blanche. Elle avait les os saillants et de tout petits seins.

- Si tu m'avais connue avant Jonathan, de véritables pamplemousses. Enfin...

Elle enfila une sorte de blouse et nous sommes retournés au salon. Nous avons parlé de choses et autres, assis sur le canapé. Plus tard nous avons allumé la télé et regardé une vieille série américaine. Nadia s'appuyait contre moi. A un moment j'ai senti que sa tête glissait, je la regardais, elle s'était endormie. Il était presque dix huit heure trente.

Normal me dis-je elle s'est levé à cinq heure du mat' pour aller bosser. Je jetais encore un œil sur la télé, puis délicatement me levais. J'allais jusqu'à la cuisine et déballais mes achats. Des tomates, des miettes de thon en boite, du jambon de parme et même des caillettes Ardéchoises, aux herbes et à la pomme de terre. Des brochettes, du vin, du jus de fruits (naturel, sans colorants et hors de prix!). J'ouvris la porte fenêtre et sortis sur le balcon. O.K, il y a encore les deux moellons (piqués un soir sur le chantier en face), et il reste du charbon de bois. En cinq minutes j'avais allumé le feu et les brochettes cuisaient... Je me servis une bière, préparais une salade de tomates à l'huile d'olive et au thon et mis la table. Tout en surveillant les brochettes je feuilletais un numéro de "Elle" maculé de sauce tomate qui traînait dans un coin.

 - C'est Jojo qui l'a salopé comme ça! Il est pas possible ce gosse.

Nadia se tenait devant moi, je ne l'avais pas entendu venir. Elle se frottait les yeux, sa blouse déboutonnée ne cachait pas grand chose.

- J'ai du m'endormir me dit-elle

- Je crois oui, allez rhabille toi, tu vas m'exciter lui répondis-je... On peut passer à table. C'est prêt.

Après le repas, j'ai fais du thé à la menthe et mis un disque de Pink Floyd "Wish you were here". Nous sommes restés sur la terrasse, assis sur une vieille balancelle défoncée, sans rien dire, à regarder la nuit tomber sur la ville et les lampadaires du parking s'allumer les uns après les autres...

Pendant le repas elle n'avait pas dit grand chose, et, la connaissant un peu, je sentais qu'il se passait quelque chose. Finalement alors que je m’apprêtais à nous resservir du thé elle se leva, se planta devant moi:

- Voudrais-tu faire l'amour avec moi? me demanda t'elle

Je la regardais interloqué.

- Hé ho, si c'est une blague, je n'apprécie pas du tout.

- Non c'est vrai, tu veux?

- Écoutes, ce n'est pas que tu ne me plaises pas, mais je t'ai toujours considérée comme une amie, pire comme une sœur, alors... Baise t'on avec sa sœur?

Elle ne répondit rien, mais s'approcha de moi et m'embrassa sur la bouche, très vite.

- Tu as raison, oublies ça. C'est bête mais je n'arrive pas à trouver quelqu'un.

- Pourtant, lui dis-je en lui caressant la joue, tu es très belle.

Elle eut un petit rire et m'embrassa la main.

- On peut tout de même se coucher et dormir, comme frère et sœur? Non?

- O.K. lui répondis-je

Nous nous sommes couchés. Elle avait enlevé sa blouse et son petit slip blanc, moi j'avais gardé le mien.

- N'aies pas peur je ne te violerais pas plaisanta-telle.

- Si tu les dis!  

Et je l’ôtais.

Elle s'approcha de moi, nos corps se touchaient. Je ne m'endormis pas tout de suite. Au travers des stores vénitiens baissés la lumière d'un lampadaire du parking filtrait. On entendait le grésillement de son transformateur. Au plafond quelques mouches finissaient leur toilette, ou peut être leur dîner. Je n'ai jamais compris pourquoi les mouches se frottent les pattes comme on se frotte les mains. Nadia était tout contre moi, une jambe passée par dessus les miennes, son visage contre mon épaule, je sentais la point de l'un de ses seins sur ma poitrine. Je n'osais pas bouger. Finalement le sommeil a gagné la partie.

Vers huit heure du matin j'ouvris les yeux.

Je mes suis levé et suis allé à la cuisine. Après avoir mis la radio en sourdine et la cafetière en marche, je me suis attaqué à la vaisselle. Ensuite, je suis sorti sur la terrasse ma tasse de café à la main et me suis assis sur la balancelle. J'ai du m'endormir car lorsque j'ai ouvert les yeux le soleil frappait dur, et dans la cuisine Nadia finissait son petit déjeuner, debout prés de la table, uniquement vêtue de sa blouse déboutonnée.

- Hello, me dit-elle, bien dormi? Je n'ai pas osé te réveiller. Tu veux du café?

- Volontiers, merci. Quelle heure est il?

- Neuf heure et demi.

- Houlala...Tu bosses aujourd'hui?

- Hélas oui, je reprends à treize heure, aux urgences.

Quelle vie pour ce petit bout de femme pensais je, j'ai repris du café et me suis installé à côté d'elle sur un tabouret bancal.

- J'ai rendez vous aux "Tilleuls", à onze heure, tu viens avec moi? Il y aura Odile et certainement Xavier et Alicia.

- Je crois que non car j'ai pas mal de choses à faire ici, mais peut-être, enfin je verrais.

- Nous y serons jusqu'à la fermeture de toute façon.

Je la laissais finir son petit déj' et allais prendre une douche. L'eau était presque froide, le savon sentait la lavande... Je m'habillais rejoins Nadia dans la cuisine. Elle rangeait la vaisselle. Elle se retourna, vint vers moi. A contre-jour elle semblait nue.

- Je vais prendre une douche me dit-elle, si tu veux me laver le dos...

Je lui souris et pensais "La voilà qui recommence!". Dehors un klaxon d'ambulance se mit à gueuler (signe du destin?). Dans la salle de bain j'entendis l'eau de la douche commencer à couler. Je pris un stylo et sur une feuille volante que je coinçais ensuite prés du téléphone, écrivis: A bientôt.

Je ramassais mon blouson et sortis.

 J'arrivais sur la place du marché où beaucoup de monde se pressait comme d'habitude. Une partie de la place était réservée aux maraîchers, l'autre aux antiquités, et c'est vers ce coin là que je me dirigeais. Il y avait là toute une faune,  du revendeur d'accessoires auto/moto très usagers, aux professionnels du meuble de style et des bouquins reliés. Je jetais un coup d’œil sur tous les stands, m’arrêtant pour examiner une vieille pendule qui d'ailleurs n'avait plus d'aiguilles, ou un vieux numéro de "Photo Reporter". Je n'achetais jamais rien, mais qui sait? Peut être qu'un jour je tomberais sur l'affaire du siècle... Un côté de la place était réservé aux tables des deux cafés, "Les Tilleuls" et "La Place" (tés original!). je m'installais à une table miraculeusement libre et commandais une mauresque. Il faisait toujours aussi chaud et une odeur de vieilleries mêlée à celle des frittes chaudes, des fruits avariés montait dans l'air. Onze heure sonna au clocher de l'église, la porte s'ouvrit et vomit son flot de fidèles endimanchés.

Je les regardais d'un œil amusé. Des vieux, des jeunes, des tout jeunes. La foie ne se perd vraiment pas dans ce pays, pensais-je. Je ne me souvenais même pas de la dernière fois où j'avais mis les pieds à la messe, ça devait être pour un enterrement...Un marchand de cacahouétes grillées s'approcha et en déposa quelques unes devant moi.Il faisait toujours la même chose. D'abord deux ou trois sur chaque table, puis il repassait 1/4 d'heure plus tard et "par ici la monnaie". Généralement je ne lui en achetais pas, mais ce jour là je lui en prit deux paquets.

Le soleil tapait de plus en plus fort, les ombres s'allongeaient sur le sol, et je commençais à transpirer sous les bras. J'ôtais mon cuir, remontais les manches de ma chemise et me commandais une bière. Lorsque le garçon revint avec ma consommation, je demandais à une sorte de "baba cool" assis à la table voisine de surveiller ma place et allais m'acheter une cuisse de poulet farci dans une boutique vietnamienne, à côté.

A treize heure je décidais de rentrer chez moi, ne serait ce que pour le chat. En chemin je téléphonais chez Odile. Je laissais sonner dix fois puis raccrochais. Je me sentis soudain très seul, et songeais un instant à la proposition de Nadia. Je rentrais néanmoins chez moi, ému à la pensée de ce pauvre chat affamé guettant mes pas dans l'escalier, à l'affût de la denrée nourricière....

Je passais le reste de l’après midi allongé sur mon lit, le chat repu roulé en boule tout contre moi, à relire "Les rêves de Bunker Hill" du vieux Fante.


                                                                                                                Sylvain Perge 






Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

TOUS CHEZ LEONARD!

RETOUR...